On ne se libère pas des émotions en les fuyant.
Parce qu’elles ne sont pas là par erreur.
Elles ont une raison d’être. Une fonction.
Une émotion, c’est un signal
Ne plus ressentir de douleur physique serait dangereux.
La douleur protège, alerte, nous ramène à nos limites corporelles.
Les émotions jouent ce rôle-là…
mais pour notre intégrité psychique.
Colère, tristesse, peur, honte…
Aucune n’est là pour nous punir.
Elles pointent quelque chose :
un besoin ignoré,
une limite franchie,
une blessure rouverte,
une valeur froissée.
Et tant qu’on n’écoute pas, elles insistent.
Certaines émotions sont douloureuses… et c’est voulu.
Pas pour nous faire souffrir.
Mais pour attirer notre attention.
Imaginez :
Si la perte d’un être cher ne faisait rien…
Comment saurait-on ce qui compte ?
Si l’humiliation ne piquait pas…
Comment saurait-on poser nos limites ?
La douleur émotionnelle a un sens.
Elle vient réveiller un besoin de soin, de vérité, de mouvement.
L’émotion ne punit pas. Elle pousse à bouger.
Et d’ailleurs, le mot “émotion” vient du latin emovere qui peut être traduit par faire bouger.
D’un mouvement concret vers un mouvement intérieur
Autrefois, ressentir une émotion voulait principalement dire : « Bouge ».
Fuis.
Protège-toi.
Réagis vite — ou meurs.
Quand un tigre te fonce dessus, ton cœur bat, ton corps agit, tu n’as pas le luxe d’analyser.
Aujourd’hui, il n’y a plus de tigre.
Les menaces ont changé de visage :
« Que va-t-on penser de moi si… ? »
« Et si je n’étais pas à la hauteur de… ? »
« Pourquoi j’ai dis ça ? Il va penser quoi de moi maintenant ? »
Les émotions sont toujours là pour nous faire bouger.
Mais ce n’est plus le corps qui doit courir.
C’est l’intérieur qui appelle à une réponse.
À choisir.
Fuir ?
Combattre ?
Ou… écouter ce que ça vient dire.
Et décider ce qu’on en fait.
L’émotion est une alerte, un écho intérieur qui murmure :
“Quelque chose a besoin d’être vu.”
Et si, au lieu de chercher ce qui cloche — chez l’autre, ou en soi —
on laissait venir une autre question : “Qu’est-ce que ça dit de moi, ici, maintenant ?”
Pas pour se corriger.
Mais pour s’ajuster.
Avec clémence.
Et c’est là que commence le vrai mouvement.
Pas vers l’extérieur.
Mais vers soi.
Et cet élan intérieur peut prendre bien des visages.
Parfois c’est la peur qui nous fige.
Parfois c’est la tristesse qui demande qu’on ralentisse.
Ou la colère, qui cherche à poser une limite.
Mais toujours, quelque chose en nous appelle à être entendu.
Quand l’émotion déborde
Certaines émotions nous traversent sans bruit.
D’autres deviennent massives, bruyantes, envahissantes.
Marie me disait récemment :
“Je suis épuisée d’être tout le temps sur le fil. Et quand j’explose, je culpabilise encore plus.”
Ce qu’elle vit, ce n’est pas une faille.
C’est une tension accumulée, à force de ne pas pouvoir déposer ce qui se vit.
Dans ces moments-là,
ce n’est pas de tout comprendre dont on a besoin.
C’est de ne plus lutter contre ce qui est là.
Ce n’est pas l’émotion qu’on veut fuir.
C’est ce qu’elle réveille en nous.
Changer de regard… c’est changer de relation à soi
Appeler une émotion “négative”,
c’est déjà se positionner contre elle.
Mais si on parle d’inconfort, de mouvement, de vibration intérieure…
alors on ouvre un espace d’accueil,
plutôt qu’un réflexe de rejet.
Daniel Goleman, dans L’intelligence émotionnelle, le dit simplement :
“N’essayez pas de l’éliminer, mais ne la laissez pas gouverner votre action.”
Ce n’est pas le contrôle qui crée la paix.
C’est la relation que l’on construit avec ce qui nous traverse.
L’essentiel, au fond
c’est que les émotions ne sont pas des ennemies.
Ni des obstacles.
Ce sont des messagères exigeantes.
Écouter une émotion, ce n’est pas rester figé.
C’est parfois poser une limite.
Dire non.
Demander de l’espace.
Pleurer. S’arrêter.
Ou simplement nommer ce qui est ressenti.
Et souvent, quand on les écoute vraiment…
Elles n’ont plus besoin de crier.